Il y a quelques années s’ouvrit, juste en face de chez moi, une sorte d’auberge qui prit, ce qui me consterna, le nom prétentieux de “Au Berry d’antan”. Je ne pus, à l’époque, m’empêcher d’associer ce nom qui fleurait bon la naphtaline avec la série de cartes postales affligeantes de mièvrerie que produisit en son temps Jean rameau, poète de terroir qui réagit à sa façon à la disparition annoncée d’une certaine société rurale précipitée vers le déclin par l’exode rural et l’industrialisation des villes. Tous les poncifs caricaturaux propres à crétiniser l’image du Berry sont présents sur la photo: personnages posants dans des attitudes théâtrales, costumes pittoresques, lexique patoisant sur l’enseigne et peut-être le pire de tout, le petit poème accompagnant le sujet, signé du maître en personne, que je ne résiste pas à vous livrer la transcription:
J’vendons ren qu’ des chous’s démodées,
Des biaud’s, ou des gent’s coiff’s brodées:
Mesdam’s, on z’en f’rait des torchons,
Ça fait qu’i arra pu d’Berrichons
D’la p’tit’ Patrie qu’nous aut’s j’eumins.
Ben! Ou s’en f’rait des essuis-main’s;
Mais faurra p’têt ben les gendarmes
Pour empêcher d’couler nos larmes.
Heureusement ou malheureusement, le phénomène s’étendait bien au delà des limites de notre province, comme en témoigne cette carte, qui a de quoi faire frémir mes consœurs et confrères auvergnats: les danseurs censés figurer leurs ancêtres portent de jolis sabots bien blancs, neufs et pratiquement inutilisables en l’état, mais indispensables à la panoplie qu’exigeaient les codes préconçus de l’époque.