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30 mai 2020 6 30 /05 /mai /2020 09:31

 

Il y a presque quarante ans, la France abolissait la peine de mort et reléguait dans les sous-sols de l’Histoire son incarnation la plus officielle : la guillotine.

Ce billet n’a aucune prétention en matière de morale : chacun est libre de penser ce qu’il veut sur ce sujet. Ce qui m’intéresse, c’est la popularité de ce mode d’exécution à travers ce qu’en révèle les cartes postales anciennes, et la manière presque insouciante avec laquelle les photographes traitaient d’un sujet aussi grave que le meurtre légal et public d’individus condamnés à la peine capitale par la justice.

 

 

Il existe des cartes à caractère technique – on oserait presque dire « pédagogique » - qui donnent tous les détails nécessaires à la compréhension du fonctionnement de l’engin. Dans un environnement sinistre (coursive de prison?) encombré de planches et de tas de tuiles a été dressé une de ces machines à tuer avec tous ses compléments. Les légendes fournissent les détails avec des euphémismes volontairement dramatiques « le couteau est prêt d’arriver au terme fatal de sa course ». 

 

 

 

L’informateur n’est autre que m. Deibler, bourreau aux presque 400 exécutions, que l’on voit soigner son instrument, peut-être sorti d’une réserve avant d’être démonté et conduit sur le lieu d’une future exécution.

 

 

Si la guillotine est si bien considérée par une grande partie de l’opinion d’alors qui croit encore à l’exemplarité de la peine de mort sur les futurs criminels, ses employés sont considérés comme des personnalités publiques et sont aussi l’objet de toutes les attentions de la part des photographes. Anatole Deibler arrive à Rodez pour pratiquer à la décapitation d’un garçon du pays auteur d’un meurtre particulièrement sordide, qui lui a valu sa condamnation. On note avec intérêt que le même train a conduit dans l’Aveyron le bourreau et sa guillotine, rangée dans un fourgon à atteler une fois sur place. 

 

 

Les exécutions sont presque toujours publiques et surtout très ordonnées. Un important service d’ordre encadre le lieu d’exécution, fourni par l’armée française. Les soldats sont le mousqueton sur l’épaule, baïonnette au canon, autant pour donner un aspect martial à l’ensemble que pour décourager les mouvements de foule. Leurs officiers sont à cheval. Le condamné est amené, menotté dans le dos et cigarette aux lèvres. Sur les balcons, on remarque des spectateurs.

 

 

Dans les colonies françaises, la mise en scène est la même. Ce sont les troupes coloniales qui assurent la sécurité du lieu d’exécution. En Indochine, la mise en scène est grandiose et mobilise des dizaines de marsoins. Aux balcons des maisons d’architecture coloniale, il y a toujours foule pour assister à la décollation.

 

 

Au Sénégal, les conditions d’exécution sont plus rustiques. Un simple coffre de planches pour recevoir le corps du condamné, deux seaux d’eau sont prévus pour laver la guillotine après la mise à mort. Un chien est même assis sagement derrière un homme en costume traditionnel. Quelques badauds tentent de regarder par dessus les épaules et les casques de liège des militaires.

 

 

A Cayenne, l’affaire est réglée rapidement : le condamné est sanglé sur la planche à bascule avant d’être couché sous le couperet. Un grand panier d’osier attend son corps. Ni soldats, ni officiels n’assistent à l’exécution. Le bourreau semble indifférent.

 

 

Arrêtons nous un instant sur cette mise en scène de la mort du « Père 200 », tradition militaire qui permettait aux appelés de compter les jours avant leur retour à la vie civile. Le Père Cent est encore honoré dans certains lycées avant les épreuves du Baccalauréat.

La photographie est prise dans un dortoir de caserne. La mise en scène est presque macabre : le condamné qui se tortille maintenu par ses bourreaux ; un prêtre, croix à la main et ceinture de corde autour des reins, lit une prière. Une petite guillotine de bois, avec seau et panier, est au centre du tableau et des soldats en tenue montent la garde.

 

 

Je ne peux clore ce thème sans relever cette note d’humour qui nous vient de la Somme. L’habitude de voir la justice condamner des criminels à la peine de mort était si inscrite dans la culture nationale qu’on ne voyait pas de malice à plaisanter sur ce sujet.

 

© Olivier Trotignon 2020

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  • Olivier Trotignon, historien
  • Historien médiéviste de formation, je propose une série de photographies anciennes ou contemporaines pouvant être utiles à la connaissances des terroirs et des activités du passé.
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